Déficit d’infrastructures de qualité, de cadres techniques compétents et manque de stratégie managériale, les raisons ne manquent pas pour expliquer les difficultés de la discipline en Afrique. Parole donnée au Directeur sportif de l’Union Africaine de Judo (UAJ), le Camerounais Alain Kingue.
Alain, qu’est-ce qui justifie les défaites en série des combattants africains après cinq jours de compétition ?
Alain Kingue : Sur les 378 athlètes des cinq continents engagés dans notre discipline, l’Afrique compte à peine pour 10%, soit 34 compétiteurs.
En plus de cette sous-représentativité, il faut reconnaître que le niveau technique est de plus en plus relevé. Mais rien n’est acquis pour aucun athlète.
Je fais allusion ici à la Japonaise Uta Abe, quadruple championne du monde (-52 kg) éliminée à son premier combat, ou à la Française Clarisse Agbegnenou, qui s’est contentée du bronze en 63 kg. En clair, ces JO sont d’un niveau technique très éprouvant, surtout pour nos athlètes d’Afrique.
Comment comprendre le décalage de niveau des Africains par rapport à ceux d’autres continents ?
AK : Une analyse minutieuse des combats nous fait remarquer que la différence de niveau technique n’est pas si importante. Les combats sont souvent serrés jusqu’à la fin.
Nos athlètes perdent aux points ou par décision des arbitres. Le problème se trouve au niveau des infrastructures en Afrique, par rapport à l’Europe et à l’Asie par exemple.
Par ailleurs, nos personnels techniques ne sont pas bien outillés en matière de nouvelles approches d’entraînement et de management des organisations sportives.
On ne peut pas espérer avoir des athlètes avec de top performances alors que les entraîneurs et les arbitres de leur pays ne comptent pas parmi les meilleurs au monde !
Quelles solutions proposez-vous pour permettre à l’Afrique de briller ?
AK : Il est impératif de repenser la politique du sport de haut niveau en Afrique. La majorité de nos judokas d’élite n’ont aucun statut officiel dans leur pays, tout le contraire dans les pays d’Europe, d’Asie, d’Océanie et d’Amérique.
L’Afrique mérite aussi de disposer de centres d’entraînement dédiés à la haute performance. A l’image de l’INSEP de Paris qui depuis 1960, est un laboratoire de fabrication des champions du monde et champions olympiques pour la France. Nous voyons les résultats.
Nos politiques doivent donc accorder davantage de ressources au développement du sport de haut niveau, à ses métiers connexes tels que la médecine, la kinésithérapie, la psychologie, la nutrition, etc.
Quelques autres difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
AK : Les athlètes africains font face au problème de la mobilité d’un continent à un autre, ce qui les empêche de disputer suffisamment de compétitions qualificatives aux JO.
C’est aussi le cas des entraîneurs et arbitres qui ne peuvent pas participer aux stages de perfectionnement qui donnent pourtant de la compétence.
Tout cela est lié aux difficultés d’obtention de visas mais aussi au coût exorbitant des titres de transport. Par exemple, un seul billet d’avion d’un judoka de Dakar peut financer dix voyages d’un athlète vivant en Europe pour des compétitions dans l’espace Schengen !
Compte tenu de ces écueils, l’Union africaine de judo formule le vœu de voir l’Afrique abriter prochainement un plus grand nombre de compétitions qualificatives aux JO.
Cette approche pourrait soulager nos fédérations et donner plus d’opportunités à nos athlètes que nous encourageons à donner le meilleur de leur potentiel malgré les difficultés”.
Photo : Paris Media 2024
Propos suscités par
Samuel BIYONG, Mag CNOSC – Cameroun
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